Deux chats en ville | Foehn x Yuki

"-Hé ! C'est quoi ça ?"

Foehn laisse dépasser un croc, agacé. Jamais il n'arrivera à traverser le marché central sans que Yuki ne s'arrête à chaque étal.

"-Et ça ? Hmmmm... Oh ça sent trop bon !"

Le garde jette un regard furtif vers l'arrière. La jeune fille s'est encore arrêtée devant l'échoppe remplie d'épices d'un marchand certainement malhonnête. Les sacs bombés de poudres colorées se reflètent dans ses yeux en paillettes multicolores. Si ce n'était pas la septième fois que Yuki s'arrêtait devant les mêmes produits, Foehn pourrait la trouver mignonne. Mais, à la longue, cette innocente ignorance commence à l'irriter plus qu'autre chose...

"-Bon, c'est pas que tu me fais perdre du temps, ma jolie, mais c'est tout comme..." dit-il d'un air agacé.

Malgré le reproche très clair dans cette phrase, Yuki ne semble pas porter la moindre attention à Foehn, trop occupée qu'elle est à admirer chaque clou de girofle qu'elle trouve sur la table du marchand.
Foehn soupire.

"-Oh regarde ! Il a même des petites fleurs rou..."

La voix de Yuki se perd dans le petit glapissement qui lui échappe lorsque Foehn l'attrape par le col de sa veste. La voilà tirée loin de l'étal sans aucune précaution.

Arrivé au coin d'une ruelle d'où aucun marchand ne pourrait sortir une nouvelle merveille, Foehn lâche Yuki. Elle frotte sa nuque d'un air contrarié.
Nouveau soupire.

"-Ecoute Yuki, on a pas le temps de s'arrêter devant tous ces arnaqueurs. J'accepte de te conduire jusque chez Goolh mais je veux bien te laisser ici si tu préfères. Je t'ai déjà expliqué que sa maison se trouve à l'autre bout du territoire, on est obligés de traverser la Cité..."

Un regard appuyé suffit à faire comprendre à la jeune animorphe que Foehn ne plaisante pas. Du moins, il l'espère...

La perspective de traverser les trois quarts du territoire avec une quasi parfaite inconnue n'enchantait pas tellement le garde. Et passer par le marché central, encore moins. Mais le trajet était bien plus court par la Cité divine et il ne lui avait pas fallu beaucoup de temps pour se décider.
A regret.

Chassant ces pensées de son esprit, Foehn se tourne vers Yuki, toujours calée contre le mur de la ruelle.

"-On y retourne. Tu évites de t'arrêter à tous les stands ?"

Foehn s'en veut un peu d'avoir été si rude. Tout ça par manque de patience, qui plus est. Il n'avait pas besoin d'interpeller Yuki avec une délicatesse qui frôlait celle d'une agression. Il se sent mal de l'avoir vue si mal. Car, oui, il a bien vu dans les yeux de Yuki comme une étincelle de surprise, et cette surprise est loin d'être positive. Si je commence déjà à lui faire peur, qu'est-ce qu'elle pensera en me voyant avec Viha à la main... La question taraude son esprit embrumé par les sons de la rue.

"-Si on ne traîne pas, on arrivera avant demain soir. J'ai pas trop envie de passer plusieurs nuits dehors. C'est pour ça..."

Piètre excuse. Ta gueule, Foehn. Ta gueule... Se critiquant de l'intérieur, le garde royal détourne son regard de Yuki et trace sa route. Plus qu'à espérer qu'elle le suive sans encombre.

Sans encombre, oui, plus facile à dire qu'à faire. C'est que les ivrognes malpropres courent les rues lors du marché. Quoi de mieux que ce remue-ménage pour se fondre dans la masse et entretenir son taux d'alcoolémie ni vu ni connu ? Les échoppes grouillantes de victuailles représentent également des proies faciles pour leurs voisins les voleurs. Chapardeurs de tous niveaux se pressent contre leurs cibles, pauvres citoyens inconscients, et arrachent d'une main de velours le précieux butin d'une poche ou d'un manteau.

Foenh connaît ces charlatans de toutes espèces. Mais, étrangement, aujourd'hui, il n'y pense pas. Sans doute la précipitation de rentrer chez lui lui soustrait-elle sa méfiance habituelle, celle qu'il réserve à la cité et à ses habitants.

L'incident ne tarde pas à le rappeler à la prudence.
Mais trop tard.

N'entendant plus les petits pas feutrés et rapides de Yuki derrière lui, il se retourne et... découvre qu'elle n'est plus là ! D'un regard vif, il scrute la foule. Une mèche de cheveux semblant lui appartenir, une main qui dépasse de la masse une fraction de seconde, comme un appel à l'aide ténu au sein de cette nuée grouillante,...

"-Yuki !"

Comment la retrouver ?